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CONDITIONS DE VIE à bord

     Malgré une expérience très courte si l’on observe l’échelle du temps, nos connaissances sur les vols spatiaux de longue durée sont aujourd’hui très importantes et nous permettent de maintenir une présence humaine permanente en orbite basse à bord de l’ISS. Néanmoins même de nos jours, nous continuons à apprendre des choses sur le comportement du corps humain en microgravité, par exemple avec la mission Proxima du spationaute français Thomas Pesquet. Ce dernier a été amené à utiliser la machine MARES (Muscle Atrophy Resistive and Exercise System = Rechercher sur l’atrophie musculaire et le système d’exercice) afin de mieux comprendre la perte de masse musculaire et de pouvoir s’en prévenir dans le cadre de l’expérience Sarcolab.

Thomas Pesquet essaie MARES à bord de l'ISS

  Les principaux problèmes à bord du vaisseau spatial de la firme SpaceX seront sensiblement les mêmes que ceux rencontrés en orbite basse nous allons donc fortement utiliser les données collectées et les solutions apportées à bord de l’ISS pour tenter d’apporter une réponse aux problèmes qui se poseront durant le voyage jusqu’à Mars.

         Dans le documentaire Alban Michon, L'Homme qui voulait plonger sur Mars, il est dit que l’Homme consomme 3L eau (3kg), 1kg de nourriture et 1kg d’oxygène par jour. Cette consommation nous amène à 5kg de denrée par jour et par personne, donc 500kg de denrée épuisée par jour à bord du vaisseau. Avec 3 ans passés dans l’espace cela nous ferait (3*365*500) 547500 kg, soit 547,5 tonnes à apporter à bord du vaisseau spatial ! La capacité de la BFR en orbite basse étant de 150 tonnes, il est donc impossible d’emporter de quoi faire survivre les spationautes, malgré les 4 vols cargos prévus en amont. Il faut donc réduire la masse des denrées épuisées quotidiennement en réutilisant ou en recyclant l’oxygène et l’eau comme cela est fait à bord de l’ISS. 

 

    « L’être humain est capable de rester 3 minutes sans air, 3 jours sans boire et 3 semaines sans manger », tel est le message affiché sur le site de France Télévisions. Cette citation connue, bien qu’un peu erronée, nous permet de voir quels sont les besoins fondamentaux d’un humain. Premièrement l’air, ensuite l’eau et enfin la nourriture.

de sites.

        Une fois dans à bord de l’ISS, nous nous trouvons à près de 400km d’altitude en moyenne. A cette altitude la densité de l’air est très faible, l’oxygène est donc moins présent, ce qui empêche l’être humain de respirer normalement, et donc d'apporter la quantité nécessaire d’oxygène au corps et peut dans certain cas entraîner l’asphyxie. C’est la cause de la mort des trois cosmonautes embarqués à bord de Saliout 1, une valve qui permettait de maintenir une pression suffisante s’étant décelée sous l’onde de choc due au déclenchement des boulons pyrotechniques, qui sont encore à ce jour les trois seuls êtres humains à être mort dans l’espace.

 

       Les habitants du vaisseau spatial de SpaceX vivront donc dans une enceinte close et pressurisée qui les séparera du vide spatial. Mais garder l’air à bord n’est pas suffisant. En effet un être humain aspire du dioxygène (O2) et relâche du dioxyde de carbone (CO2). Si sur Terre le renouvellement de l’air ne pose aucun problème, dans un espace clos l’air peut vite devenir irrespirable si le taux en dioxyde de carbone devient trop important.

La Station Spatiale Internationale, ISS

L'oxygène

        A bord de l’ISS, les systèmes utilisés pour régénérer l’atmosphère sont multiples. Le Air Revitalization System américain permet de retirer le dioxyde de carbone et les éventuelles traces de contaminants, il est placé à bord du module pressurisé Tranquility. Toujours du côté américain l’Oxygen Generating System est utilisé pour effectuer l’électrolyse de l’eau récupérée par le Water Recovery System ce qui engendre la récupération de dioxygène directement renvoyé dans l’atmosphère de l’ISS quant à l’hydrogène il est expédié à l’extérieur de la station, cet appareil est placé dans le module Destiny. Il existe aussi le générateur de dioxygène Elektron qui fut utilisé sur MIR avant d’être installé sur l’ISS dans le module Zvesda il utilise lui aussi l’électrolyse et réinjecte du dioxygène dans la station spatiale et tout comme l’Oxygen Generating System il rejette l’hydrogène dans l’espace. L’Elektron est couplé à l’Oxygen Generating System pour permettre de maintenir un équipage de 6 personnes à bord de l’ISS. Il existe aussi le Vika qui utilise un procédé chimique pour créer du dioxygène à partir de boites de perchlorate de lithium qui sont brulées pour créer du dioxygène gazeux, ce générateur fut lui aussi utilisé sur MIR, néanmoins ce système est un système de secours en cas de défaillance de l’Elektron, il existe aussi à cet effet une réserve de bouteille de diooxygène. Et enfin le Vodzukh supprime le dioxyde de carbone en utilisant des absorbeurs de dioxyde de carbone.

      Elon Musk pourrait donc utiliser ces différents systèmes à bord de son vaisseau spatial pour son voyage jusqu’à Mars, tout en conservant une forte réserve de dioxygène car rappelons-le l’ISS est ravitaillé régulièrement et sur la liste des denrées expédiées on trouve aussi du dioxygène. Par exemple, l’ATV-3 Edoardo Amaldi a transporté 100 kg de dioxygène à destination de la station spatiale internationale. 

L'eau

 

       Après l’oxygène, nous allons aborder le problème posé par l’eau. En effet l’eau n’est pas réductible et elle est très utilisée à bord de l’ISS, notamment pour boire, pour manger (nourriture lyophilisée), pour se brosser les dents, se laver et créer de l’oxygène.

 

        L’eau est donc une denrée précieuse, on la récupère dans l’ISS grâce à différents systèmes. Le module américain Tranquility est équipé du Water Recovery System déjà évoqué précédemment. Nous allons détailler son utilisation ici. Il est composé de deux montages le Urine Processor Assembly et le Water Processor Assembly. Les deux montages utilisent un processus de distillation sous vide à basse pression qui pour pallier au manque de gravité utilise une centrifugeuse et permet de séparer liquide et gaz. Ces unités de traitement supportent une charge de 9kg/jour, correspondant aux besoins d’un équipage composé de 6 membres. Ces unités pourraient en théorie récupérer 85% de la teneur en eau, mais à bord de l’ISS, le niveau de récupération réel est de 70% à cause de la haute teneur en calcium des urines des spationautes due à l’ostéoporose. L’eau ainsi récupérée est utilisée pour filtrer les gaz et les matières solides puis elle passe par des lits filtrants et un réacteur catalytique à haute température après quoi l’eau est testée par des capteurs puis consommée ou de nouveau dirigée vers l’unité de traitement.

     Le module Zvesda possède le système Elektron qui produit de l’oxygène par électrolyse de l’eau, la vapeur d’eau est récupérée et peut en théorie servir de système de secours pour boire même si on réserve son utilisation pour l’oxygène. L’eau est donc difficilement récupérable et son utilisation ne se limite pas au besoin du spationaute mais sert aussi à la création d’oxygène, c’est pourquoi les livraisons d’eau sont aussi plus conséquentes. Le ATV-3 Edoardo Amaldi a livré près de 300 kg d’eau à l’ISS. Le vaisseau d’Elon Musk devra donc emporter une grande quantité de réserve d’eau pour subvenir aux besoins durant le voyage aller, le voyage retour mais aussi pendant les deux ans d’attente du nouveau rendez-vous Terre-Mars.

La nourriture

 

       La nourriture pose un autre problème, un ou deux mois séparent chaque ravitaillement et la conservation des aliments est impossible car il n’y a pas de réfrigérateurs dans l’ISS. La nourriture est donc constitués d’aliments conservables à température ambiante comme les plats lyophilisés et les conserves ainsi que des fruits et légumes frais durant les quelques jours suivants l’arrivée du vaisseau ravitailleur. Les boissons (hormis l’eau) sont disponibles sous forme de poudre où l’eau a été retirée. Il est aussi possible de consommer de la soupe stockée dans des sachets hermétiques.             

         Tous les aliments solides sont consommés grâce aux couverts terrestres tandis que les liquides sont consommés avec des pailles. Les menus reviennent selon un cycle précis (tous les 15 jours) et sont choisis par le spationaute. Les diététiciens se permettent néanmoins des ajustements selon les conditions de vie à bord de l’ISS. On diminue le taux de fer, la quantité de sodium et on accroit fortement le taux de calcium et a vitamine D afin de favoriser la croissance osseuse pour limiter les effets de l’ostéoporose. De plus les plats sont souvent plus épicés du fait qu’en microgravité les aromes ne nous parviennent pas comme sur Terre. Les spationautes ont la possibilité de réchauffer leurs plats grâce à des fours et de choisir entre eau froide et eau chaude. Les repas sont pris sur une des deux tables à bord de l’ISS et il faut éviter toutes miettes à cause des risques d’obturation des filtres. Les aliments sont donc difficilement stockables, Elon Musk devra donc prévoir une grande quantité d’aliments (110 tonnes de nourriture environ) pour trois ans dans l’espace pour 100 personnes. 

Besoins quotidiens

 

 

       L’un des autres besoins élémentaires et de pouvoir aller aux toilettes. Ceci n’est pas un problème, dans l’ISS il existe deux systèmes afin de permettre aux spationautes de réguler leurs fluides corporels. Un tuyau qui aspire l’urine, pour la retraiter avec le Urine Processor Assembly.

       Les matières fécales sont aspirées par un siège aspirant puis stockées ou envoyées vers l’atmosphère pour les désintégrer. Les toilettes spatiales sont disponibles dans le module américain Destiny et dans le module russe Zvesda. Autres besoins des spationautes, la toilette.

       Le brossage de dents est une opération très simple en microgravité, on se saisit de sa brosse à dents, on y ajoute du dentifrice qui se colle simplement à la brosse à dents puis on ajoute de l’eau qui elle aussi reste collée à la brosse à dents, car les fluides ne se comporte pas de la même manière que sur Terre et l’eau forme des bulles qui volent mais reste collée au contact de la peau humaine ou de la brosse à dents, deux versions sont possibles ensuite soit avaler le tout après le brossage soit le régurgiter dans un papier qui est ensuite stocké puis détruit lors de la rentrée atmosphérique du véhicule de ravitaillement.

       La douche est divisée en deux parties, le corps et les cheveux. Commençons par le corps il suffit d’utiliser un savon sans rinçage mélangé à de l’eau et d’effectuer la même chose que sur Terre, il est aussi possible de mouiller la partie du corps qui doit être nettoyée avant d’appliquer le savon. Pour les cheveux c’est la même chose que le corps avec un shampoing sans rinçage conditionné comme du déodorant, il est possible d’utiliser un petit peigne pour ne pas faire de nœuds dans les cheveux longs des habitants de la station spatiale. Un autre problème se pose celui de se couper les cheveux et les ongles, pour se faire on utilise un aspirateur pour aspirer chaque morceau d’ongle ou de cheveux

Les déchets

         Les déchets sont donc stockés parfois à bord des vaisseaux cargos, parfois dans des modules dédiés, dans l’espace disponible dans la station spatiale ou alors envoyés vers l’atmosphère pour être désintégrés. Elon Musk aura donc besoin de nombreuses toilettes, ainsi que d’espace de stockage. Les informations à propos de l’intérieur du vaisseau sont très rares, les seules divulguées par Elon Musk sont celles données lors du Congrès International de l’Astronomie 2017 à savoir des cabines pour 2 ou 3 personnes, de grands espaces communs et une zone de confinement en cas d’éruption solaire.

Les effets néfastes de l'espace

     Lors du voyage dans l’espace profond, et particulièrement en cas d’éruption solaire, un flux de particules de haute énergie, appelé rayonnement cosmique, circule dans le vide interstellaire. Certaines astroparticules ont une énergie supérieure à 10^20 eV, et ce flux est dû au Soleil, aux autres étoiles de notre galaxie et à toutes les étoiles de l’univers. Sur Terre, ce rayonnement cosmique représenterait 15 % de la radioactivité naturelle, mais ses effets restent négligeables grâce à la magnétosphère et l’atmosphère terrestre. Néanmoins, les astronautes se trouvant hors de protection du champ magnétique terrestre sont exposés de manières plus significative au rayonnement cosmique ce qui cause des effets néfastes sur le corps humain. Le rayonnement cosmique serait capable de briser l’ADN, de causer des cancers et des malformations. Heureusement les calculs montrent que lors d’un voyage aller-retour sur Mars d’environ 3 ans, la charge absorbée par le corps est équivalente à une vingtaine ou une trentaine d’année de travail dans l’industrie nucléaire. Ceci impliquerait qu’un spationaute ne pourrait effectuer qu’un seul voyage vers Mars, sauf si leur habitat martien leur permet d’échapper à la plus grande part des radiations comme le suggère un habitat en régolithe ou en glace d’eau.

Simulation d'un potentiel habitat martien en glace

       Mais ce ne sont pas les seuls effets néfastes dû à un voyage dans l’espace prolongé. L’être humain s’est adapté pour résister à l’attraction terrestre. De ce fait, en microgravité, le corps se trouve désorienté et le spationaute est souvent soumis au mal de l’espace qui cause nausée, vomissements, somnolence et désorientation. On observe aussi parfois un afflux du sang vers le haut du corps, qui s’efface lorsque que le corps s’adapte à la vie en microgravité et se modifie en profondeur. A cause du manque de gravité les gestes sont plus simples ce qui causent une atrophie des muscles, et une décalcification osseuse caractérisée par une poussée de croissance du spationaute et des os généralement plus fragiles. De plus le cœur a besoin de moins d’efforts pour pousser le sang dans les veines, ce qui se traduit par un vieillissement de l’appareil cardiovasculaire impliquant une perte de volume cardiaque et donc d’endurance, parfois même jusqu’à l’anémie ou l’érythropénie. Pour remédier à cela, les spationautes de l’ISS doivent pratiquer 2h de sport par jour avec un vélo d’appartement et du matériel pour effectuer des squats, des développés-couchés etc. Le spationaute perd aussi une partie de sa résistance immunitaire à cause de lymphopénie, qui est vite compensée lors de son retour sur Terre. Voici donc tous les problèmes auxquels seront exposés l’équipage du vaisseau spatial de SpaceX.

      Mais alors quels sera la composition de cet équipage ? Elon Musk reste aussi évasif sur ce point, mais l’on peut supposer que les premières missions habités se feront avec un équipage réduit de spationaute aguerri ou du moins très entrainé avant de proposer des vols en direction de Mars pour tous les terriens. Au vu des statistiques des vols spatiaux effectué jusqu’à présent, on peut supposer que l’équipage soit composé d’une majorité d’homme et d’un tiers de femmes comme dans le film Seul sur Mars. Cela pose le problème des rapports entre hommes et femmes qui restent pour l’instant une très grande inconnue au vu du peu de données sur l’état psychologique de l’équipage durant le voyage.

       Pour baisser le poids des denrées emportées et augmenter celui de l’équipements des spationautes Elon Musk devra donc s’inspirer de l’ISS et des solutions déjà expérimentée ou bien trouvera-t-il encore une fois le moyen de nous surprendre, comme en 2016 lorsqu’il annonce vouloir mourir sur Mars et pas lors de l’impact, avec la fameuse plante évoquée dans le documentaire Alban Michon, l’homme qui voulait plonger sur Mars ? La spiruline apparait comme la clé de l’autonomie en espace clos. Cette microalgue est capable de produire de l’oxygène en grande quantité et très rapidement à partir de dioxyde de carbone. Les cyanobactéries de cette plante se servent des déchets produits par l’astronaute (CO2, urine, matière fécale et déchets de cuisine) en les transformant progressivement pour permettre de cultiver des plantes comme la tomate, la laitue ou la betterave. Ces plantes piègeront le CO2 pour le transformer en O2 et produire de l’eau (H2O) ainsi qu’elles fourniront de la nourriture pour les astronautes. En quelque sorte de recréer une micro-Terre en espace clos et restreint.

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